Il y a une ressemblance entre l’art de Woody Allen et celui de Sacha Guitry. Qui penserait qu’ils ne sont que des diseurs de bons mots se tromperait lourdement. Ces “bon mots” sont en fait la section rythmique de leurs musiques respectives. Dans les deux cas, les dialogues sont éblouissants parce qu’ils le sont sur le papier, mais surtout parce qu’ils sont le soutien d’un mouvement totalement cinématographique qui ne doit rien à la littérature ou à la tradition du mot d’esprit. Il n’est que de voir la première rencontre dans un bar élégant de Manhattan entre Val Waxman (“l’homme de cire”) et son ex-femme, une séquence qui vaudrait à elle seule d’être longuement analysée dans les écoles de cinéma. Chaque mouvement de caméra, chaque parti pris gestuel des acteurs, chaque rupture de rythme dans le déroulé de la séquence est un défi au cliché et à la convention (car quoi de plus conventionnel qu’un dialogue à une table de café?).Bien sûr le dialogue est un feu d’artifice, mais si on regardait la séquence en coupant le son, on verrait à quel point Woody Allen, comme cela a été démontré pour Charlie Chaplin, n’est pas seulement un grand clown mais un véritable cinéaste, à l’égal des plus grands. Même s’il déclarait le jour de l’ouverture d'un Festival de Cannes qu’il considérait que chacun de ses films “était pire que le dernier”. Ce n’est pas de la fausse modestie (il est sans doute au-dessus de ça), c’est l’insatisfaction permanent du grand artiste au travail.