DOLLS
Voici le dixième film de Takeshi Kitano, cinéaste dont on doit toujours garder à l’esprit qu’il est le comique de télévision le plus célèbre du Japon. Ce qui surprendra ceux qui le prennent pour un cinéaste de la violence yakuza, ou au contraire comme un esthète languissant. Ce sont là deux clichés qu’il faut balayer. L’humour de Kitano est toujours présent même dans ses œuvres les plus désespérées, dont ce nouveau film fait partie. Humour, regard distant, questionnement incessant, même quant aux sentiments les plus déchirants, même quant aux partis pris esthétiques les plus exigeants. Dolls commence dans un théâtre bunraku, l’une des trois formes théâtrales japonaises avec le No et le Kabuki. De grandes marionnettes sont manipulées chacune par trois hommes dont deux sont masqués. Le récitant chante et donne sa voix à toutes les marionnettes présentes. On passe ensuite au récit lui-même, miroir du premier spectacle de bunraku: les acteurs apparaissent et on comprend que Kitano les met à la même hauteur que les poupées qui donnent son nom au film.
La recherche constante de la beauté formelle, le travail sur les couleurs, les costumes sublimes de Yohji Yamamoto, la tristesse et l’humour, la place du théâtre et la mise à distance du récit font souvent penser à une parenté de Kitano et de Pedro Almodòvar. La fascination pour le kitsch, la manipulation des formes déjà établies en art et des clichés modernes ou anciens, et de l’imagerie de leur propre pays renforcent cette impression de parenté. Pas mal, comme famille…